henry_the_podiumist_Francois Cevert terminant la course en 3e position. Grand Prix de Suède, 17 Juin 1973. Credit : www.sutton-images.com
Francois Cevert terminant la course en 3e position. Grand Prix de Suède, 17 Juin 1973. Credit : www.sutton-images.com

On l’appelait François le Magnifique…

Quelque part entre James Dean pour sa jeunesse fracassée et Alain Delon pour le regard bleu piscine et le magnétisme sauvage.

François Cevert aurait pu devenir concertiste, acteur ou simple fils de bonne famille. Il a préféré la course automobile. Retour sur la trajectoire fulgurante et brisée d’une icône de la Formule 1™.


La Formule 1™ en a connu des playboys, des charmeurs invétérés et des dragueurs compulsifs. François Cevert, lui, appartient encore à une autre catégorie. La sienne. Quelque part entre James Dean pour sa jeunesse fracassée et Alain Delon pour le regard bleu piscine et le magnétisme sauvage, Cevert reste un objet de fantasmes presque quarante ans après sa mort à Watkins Glen le 6 octobre 1973 lors des essais du Grand Prix des Etats-Unis. Cruelle ironie du destin, le Français a remporté sa seule victoire en F1 sur ce même circuit, deux ans plus tôt.

Comme un Gilles Villeneuve quelques années après lui, celui qui est né Albert François Cevert Goldenberg en 1944 dans un Paris encore occupé a autant frappé  les esprits par son charisme que par son coup de volant. Le garçon a tout pour lui. Il est beau, doué et sait ne pas trop le faire remarquer. Pour la presse, il est «Le Prince». On lui prête des liaisons avec Brigitte Bardot ou Alexandre Stewart. Lui laisse dire et s’amuse de son succès histoire de taquiner sa copine attitrée Christina de Caraman. Le pilote est un prince sans couronne qui apprend son métier dans l’ombre de Jackie Stewart, son coéquipier et pygmalion chez Tyrrell. «Avec l’expérience, il serait devenu un meilleur pilote que moi», assure le triple champion du monde britannique. Cevert n’est pas le plus titré, mais tout de suite le public l’a préféré aux autres. Le cinéma le réclame. Cevert décline toujours. Il justifie qu’il n’est «pas un bon comédien». Et puis,  il a déjà écrit le scénario de sa vie : devenir le premier français champion du monde.  « Si quelqu’un peut me démontrer par A+B que je ne suis pas doué pour piloter, j’aime autant arrêter tout de suite, déclare-t-il un jour. Parce que je saurais que je ne serais jamais le meilleur. »

henry_the_podiumist_Portrait François Cevert - Illustration Stéphane Manel
Portrait François Cevert - Illustration Stéphane Manel
henry_the_podiumist_Francois Cevert gagne sont 1er Grand Prix au États-Unis, 3 Octobre 1971 - Credit : www.sutton-images.com
Francois Cevert gagne sont 1er Grand Prix au États-Unis, 3 Octobre 1971 - Credit : www.sutton-images.com

Pianiste puis vendeur

Tout paraît facile chez lui et acquis d’avance. Le beau-gosse cache pourtant derrière ses sourires et ses œillades une détermination froide, jamais arrogante, née d’un parcours qui n’a rien de la ligne droite de Monza. Fils d’un joailler, enfant de la bourgeoisie de Neuilly-sur-Seine, il a échappé à son premier destin. Son père le rêve en grand pianiste classique se donnant en récital dans les plus grandes salles. Jusqu’à ses 19 ans, François Cevert pratique l’instrument avec discipline : «J’étais passionné par la musique, j’ai fait douze ans de conservatoire. Je passais mes dimanches à rejouer les partitions de mes interprètes que j’avais enregistrées sur mon magnétophone». A l’adolescence, il contracte le virus de la vitesse. Il dévale les avenues de Paris au guidon de sa première moto. Son père désapprouve déjà : «Il me voyait revenir avec les mains pleines de cambouis et me demandait comment je pouvais  jouer du piano après». Quand il décide de dédier son existence à la course automobile, son père le congédie. Le fils de bonne famille doit voler de ses propres ailes. Il s’improvise vendeur, fait du porte-à-porte pour financer sa passion.

henry_the_podiumist_Francois Cevert se relaxe dans la piscine, Grand Prix d'Argentine, Buenos Aires, 28 Janvier 1973 - Credit : www.sutton-images.com
Francois Cevert se relaxe dans la piscine, Grand Prix d'Argentine, Buenos Aires, 28 Janvier 1973 - Credit : www.sutton-images.com

Les débuts sont difficiles. Pour sa première saison en monoplace, il termine six courses sur 22. Son amie de l’époque Nanou van Malderen raconte cette période de vache-maigre et de débrouille. «On arrivait en pleine nuit à l’hôtel, on attendait que le gardien dorme et on s’installait dans la première chambre vide, sourit-t-elle aujourd’hui. On décampait à la première heure le matin avant de se faire attraper». La persévérance paye. François Cevert gagne un volant en F1 en 1970 et vit de sa passion. Après une saison pour prendre ses marques, son talent s’épanouit enfin. La France a trouvé son champion. En 1974, Cevert doit remplacer Stewart comme numéro un chez Tyrrell. Son destin est tracé. Il n’accorde aucune importance à cette voyante qui prédit à Nanou van Malderen que son ami «n’atteindra pas les 30 ans». Le pilote a conscience des risques du métier. Il ne se voit pas comme un casse-cou : «Avant de tenter un dépassement déraisonnable, je me dis qu’une fois mort je ne pourrais plus être un héros.» Il avait tort. Sa mort tragique en a fait une icône de la F1. Il devient sans le savoir la première idole d’un Brésilien de 13 ans. Son nom ? Ayrton Senna.

Par Alexandre Pedro